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Avant de commencer l’étude de texte :
Quelques repères de vocabulaire et de références :
Ce poème est un hymne au Moyen Age français, à la France des Gaulois (ou Celtes). Pour Aragon, cette France est le symbole de la liberté, avant qu’elle ne soit envahie par les Romains (et donc par analogie par les Allemands). Il nous renvoie aux origines du pays, avant toute invasion.
Brocéliande est un lieu mythique et magique, il s’agit d’une forêt qui pour les Celtes avait valeur de lieu de culte. Elle était enchantée par Merlin et les fées. Elle était vaste, et il semble aujourd’hui qu’elle se situait en Bretagne.
"Cette tapisserie à verdures banales
Où dorment la licorne et le chardonneret"
Aragon mentionne les tapisseries, qui étaient très abondantes au Moyen Age (tapisseries filées). Il fait référence à la tapisserie des dames à la licorne. Notons que licorne est un terme médiéval, qui signifie "la corne". La licorne est un animal fabuleux, symbole de pureté et de fécondité, vénérée par les Celtes. Le chardonneret est un petit oiseau que l’on trouve sur les chardons.
"vieilles saturnales"
Les Saturnales désignent les fêtes romaines dédiées au dieu du temps Saturne. Elles sont ici en décalage par rapport à la religion celtique. Les Celtes partageaient l’année en deux parties, l’été et l’hiver, séparées par le solstice qui était l’occasion de fêtes.
"au fond de la fontaine"
La référence aux fontaines s’explique par la vénération que les Celtes avaient pour l’eau. L’eau qui coule était symbole d’espoir, la pire chose pouvant arriver était le tarissement d’une source. De plus, c’est depuis cette époque que l’on jette des pièces dans l’eau en faisant un voeu.
Le terme "fée" fait référence à la campagne de Merlin. Les Celtes croyaient en une communication avec l’au-delà (fée, devin, ...)
Les tiretaines sont des tissus ordinaires, par opposition aux velours.
Le vin de violette était considéré comme un aphrodisiaque. La violette est une fleur qui inspire.
"Le chèvrefeuille naît du coeur des sépultures"
Ce vers fait référence à Tristan et Iseult en mêlant deux éléments de la légende. En effet, il est dit qu’ils avaient l’habitude de se retrouver dans la forêt grâce à des signes : du chèvrefeuille enroulé autour des arbres. De plus, à leur mort, ils sont enterrés côte à côte. Un arbre (un rosier sauvage) pousse alors de la tombe de Tristan et plonge dans celle d’Iseult.
Les appogiatures, en musique, sont des petites notes qui accompagnent la mélodie principale.
Le "manège qui tourne avec ses chevaliers", avec une assimilation des chevaux de bois à des chevaliers, est une allusion au "Cycle d’Arthur" (qui rassemblent l’ensemble des légendes se rapportant au Nord de la France, à l’Angleterre et l’Irlande) avec le terme "manège", qui rappelle celui "cycle", grâce à l’idée du cercle, de ce qui se répète.
"D’où soudain de ses bois écartant les ramures
Sort le cerf que César orna de son collier"
César, lors de la conquête de la Gaule, se serait trouvé face à un renne. Or il n’avait jamais dû voir cet animal, car il eut l’impression de se trouver en face de la réincarnation d’une divinité, et l’a honorée.
"L’hermine" est un petit animal à fourrure blanche en hiver, à l’exception de sa queue qui est noire. Elle figure sur le blason des Ducs de Bretagne. C’est aussi un symbole de pouvoir.
"plus belle qu’est ombre d’été"
Aragon insère un vers d’un autre poète, Arnauld de Mareuil, troubadour du XIIè siècle.
"leurs abracadabras"
Il s’agit en fait du début d’une formule qui devait permettre la communication avec les morts. Elle était prononcée par les Druides. Cependant, elle a été tournée en dérision par les Romains.
"leurs peaux de mouton"
Symbole des bergers, par extension du petit peuple.
Le titre "D’une forêt qui ressemble à s’y méprendre à la mémoire des héros, Brocéliande"
Il y a une analogie entre ce qu’était la France avant l’invasion allemande et Brocéliande. Il s’agit évidemment d’un texte crypté, qui en parlant de Brocéliande traite de la liberté perdue.
:: DEBUT DU COMMENTAIRE ::
INTRODUCTION
Louis Aragon a été un témoin actif de la seconde Guerre Mondiale. Dans ces textes, il met en oeuvre une résistance culturelle. Il s’agit ici d’un extrait de Brocéliande. Le poème est libellé en tercet à rime redoublée et évoque une tapisserie qu’Aragon anime par sa poésie. L’auteur fait ainsi revivre le passé.
I. La forêt de Brocéliande
II. La fuite du temps
III. Le message éternel
I. Brocéliande, la forêt
1. Les légendes
Utilisation de légendes médiévales connues du lecteur afin d’esquiver la censure. Allusion à la Gaule, c’est à dire la France avant les invasions.
Aragon veut sauvegarder l’âme française. Analogie dans la première strophe :
"le monde est pareil à l’ancienne forêt"
Puis la forêt se retrouve dans la tapisserie, qui s’anime par la poésie d’Aragon.
Brocéliande, forêt mythique, où vivent Merlin, les fées Viviane et Morgane, ... "sorcier" "fée"
Légendes relatives au roi Arthur : le cycle d’Arthur et les chevaliers. Aragon reprend la notion circulaire :
Allusion aux légendes romaines en rapport avec les Celtes :
La légende de Tristan et Iseult est compressée
Légende de la licorne, animal fabuleux, symbole de pureté et de noblesse
L’hermine, animal réel, mais devenu mythique, symbole de pouvoir. Elle est associée à une devise : "Plutôt mourir que de se souiller", qui pourrait être la devise d’un résistant.
Allusion historique à la religion celtique : vénération des fontaines, perçues comme des donc des dieux, car elles apportent la vie aux vivants. "ceux qui viennent prier pour que les eaux ruissellent" : message d’espoir
2. Le merveilleux crée par l’auteur
Le merveilleux est introduit par l’auteur, à partir d’une tapisserie, comme s’il s’agissait d’une vision.
Il procède par animisme, c’est-à-dire qu’il confère aux animaux et aux végétaux une âme, qui transparaît à traves des comportements humains :
Personnification de Brocéliande, qui s’apparente plus ou moins à une femme :
Notion de mystère très présente :
Une lecture au second degré rajoute encore du mystère :
Conclusion sur Brocéliande :
L’auteur, en apparence, fait rêver le lecteur. Mais il souhaite surtout montrer la richesse de la culture française, il indique au lecteur qu’elle doit être sauvée, et notamment face à la culture allemande. Il s’agit d’une résistance culturelle.
II. La fuite du temps
1. "Le bel autrefois"
Le thème dominant du poème est celui du souvenir. On le retrouve dans le titre : "la mémoire". La forêt de Brocéliande est un prétexte pour se rappeler les héros.
Des expressions illustrent la fuite du temps : "la fleur se fana", "les pétales du temps tombent". Au Moyen Age, la fleur qui fane était le symbole du temps qui passe.
Le temps est destructeur de la mémoire d’Aragon, il dit lui-même qu’il ne se souvient pas de tout : "ma mémoire est un champ sans appogiatures" c’est-à-dire qu’il ne se rappelle plus certains détails. Il hésite deux fois : " sans doute", "comme je ne sais où". Il montre, ainsi, qu’il est urgent de sauver ces souvenirs de la culture française qui s’échappent déjà.
On dirait que certains souvenirs rejaillissent par association d’idées : Aragon écrit "halliers", on pense donc à des buissons, une forêt, des bois. Puis Aragon enchaîne sur l’idée des bois du cerf.
Le souvenir est symbolisé par le vert, tous les éléments verts sont des témoins :
Ces souvenirs pourraient être banals, "cette tapisserie à verdure banale", ou encore l’impression de déjà-vu des termes "le refrain qu’il moud". La valeur de cette culture est subjective, elle trouve sa richesse si on veut bien la lui accorder. C’est pourquoi Aragon utilise des tercets à rime redoublée (c’est à dire que chaque rime revient trois fois : ABA BCB CDC, ...) ce qui crée un effet de rebondissement.
Ainsi, dans "le bel autrefois", Aragon se réfère à la beauté que l’on veut bien lui trouver.
2. "Le présent"
Le temps présent est utilisé pour les aspects négatifs : "Rien n’y palpite plus". Cette impression est confortée par des passés révolus : " a fui", "fana", "ont cédé", .... L’emploi de ces temps marque la désillusion.
Aragon fait référence au quotidien et au problème d’actualité :
On lit la déception de la débâcle : ce sont les autres qui fêtent la victoire : "Le vin de violette est pour d’autres grisant" La défaite face à l’Allemagne est un choc moral, elle est blessante. "Les rêves de chez nous sont mis en quarantaine" Là aussi, Aragon fait référence à la débâcle, les "rêves de chez nous" correspondent aux traditions françaises, qui risquent de disparaître. Le terme "quarantaine" fait aussi référence à l’année de la capitulation, 1940, et par extension à la décennie des années 40. On ressent ici le pessimisme de l’auteur, qui ne voit pas de solution avant la fin des années 40.
Aragon semble désespéré. Le passé lui paraît perdu à tout jamais.
"La fée sans doute a fui au fond de la fontaine"
Ce vers présente une allitération en [f] qui renforce l’impression de fuite.
Le manège semble figé.
Conclusion sur la fuite du temps :
L’auteur fait preuve de beaucoup de réalisme, qui s’oppose à la légende et au merveilleux.
III. Le message éternel
Le poème a aussi une portée quasiment universelle.
1. Le symbolisme
A la fin du texte, Brocéliande prend un sens symbolique. Il y a une anaphore, qui permet de la définir, mais qui fait penser à une invocation. Cela correspond à l’aspect mythique de la forêt.
Le dernier vers est mystique : "prier". Cela ajoute une note d’espoir, peut-être un début de réponse, qui peut se trouver dans la foi.
L’expression "Tous les ans" confère au poème un aspect intemporel.
2. Le rôle du poète
L’art peut apporter une partie des réponses. Le poète a donc un rôle important :
CONCLUSION
L’état d’esprit perceptible dans ce texte est marqué de désespoir. Mais on y lit aussi la foi d’Aragon en la Résistance, puisqu’il organise la résistance culturelle en cryptant son texte. Il souhaite diffuser la culture médiévale, dont il est un grand admirateur, comme on peut le voir dans "Les yeux d’Elsa". Ici, le personnage d’Elsa n’est pas présent, cependant on retrouve l’idéalisation de la femme. C’est un texte subjectif que chacun doit interpréter. Les mythes du Moyen Age sont souvent perçus comme des contes pour enfants, alors qu’ils possèdent une portée intemporelle. Aragon veut une prise de conscience de la valeur du mythe. Le ton est très nostalgique. Aragon aime le passé et s’y réfugie pour fuir le présent.
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